Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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22 oct. 2012

intérêt commun

dessin N.D.

L'architecture vernaculaire et les villes et la campagne qu'elle génère, facilitent la condition d'homme face à l'adversité du "monde". L'architecture vernaculaire reflète une proximité du monde naturel, physique, symbolique et la nécessité de vivre en "intelligence" avec. Ajoutons que les villes et la campagne vernaculaires favorisent l'"intérêt commun" des hommes. Par exemple, si nous pensons aux menuiseries d'une habitation vernaculaire, la porte en bois révèle la forêt qui a permis à l'arbre de pousser, mais aussi la main de l'homme qui a façonné la matière. L'homme est ainsi à la fois proche du monde et de ses semblables. La pérennité de la porte, de la forêt et de l'action du menuisier prend alors spontanément sens.

L'action humaine est moins vaine dans l'héritage et la transmission d’un patrimoine, matériel ou immatériel, qui interpelle la mémoire et permet son adaptation (on en revient à la "règle générative" albertienne et au principe d'"imitation" cher à Quatremère de Quincy...), car nos semblables ne sont pas simplement les vivants qui nous entourent, mais aussi les êtres d'autres époques et de demain (par exemple le menuisier qui a fabriqué cette porte ancienne et l’enfant qui l’utilise aujourd’hui). Dans ce sens, l'architecture vernaculaire, dans ses lentes transformations et son ancrage dans le paysage qu'elle constitue tout à la fois, est rassurante pour l'âme humaine. Elle sert un intérêt commun au delà de notre propre finitude. Un groupe industriel qui conçoit une porte qui finira la génération suivante dans une décharge ne fait pas société. Je dirai, enfin, que l'architecture vernaculaire ne garantit pas nécessairement le "bonheur" (la "tranquillité de l'âme" dans le sens antique) mais que son cadre le favorise, de la même manière que les formes urbaines classiques avec leurs places publiques favorisent l'entente des citoyens sans pour autant la garantir... L'agora peut être le lieu de la concorde mais aussi le théâtre d'un coup d'état. Mais sans agora, peu d'espoir d'une entente citoyenne…

"De même, en effet, que l'opinion des hommes n'est pas le même sur toutes les choses que le vulgaire considère en quelque sorte comme des biens, mais qu'ils s'entendent sur certaines d'entre elles, celles qui touchent à l'intérêt commun ; de même, c'est ce but, le bien commun et public, qu'il faut se proposer." (Livre XI, Marc-aurèle, Pensées pour moi-même)

=> sujet [communaux] / message précédent : progrès humaniste

5 commentaires:

  1. Votre exemple de la porte qui rapproche l'arbre et l'artisan, le passé et le présent me parait vraiment beau et éclairant.
    En revanche l'idée de "bien commun" me semble peu secourable. Je pense même que c'est une idée qui a été avancée pour développer le système industriel. Comme si l'augmentation de la productivité était "le bien commun " par excellence, celui qui nous dégage du temps pour enrichir notre vie intérieure et notre culture commune... Or c'est le contraire qui se passe: notre travail "productif" vide notre temps travaillé de toute consistance culturelle, et notre temps vaqué a vocation à reconstituer une force de travail individuelle. Le bien commun a disparu à la fois dans le travail rémunéré et dans le repos. Et le statut du travail non rémunéré qui, lui, n'a que ce bien commun pour objectif, s'est dévalorisé au point de disparaître du champ de vision des décideurs.

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  2. David Watkins a écrit un très bon bouquin qui s'intitule :"Morale et architecture aux 19 & 20e siècles" (Mardaga). Je partage les convictions de Watkins et mets en doute avec vous les velléités utopistes de Pugin à Gropius et jusqu'à Ford. Cependant, ici, je ne fais pas la promotion d'une utopie où l'homme serait meilleurs et plus riche, j'évoque simplement de manière très rapide les fondements qui constituent le genre humain et le "cadre" qui peut permettre son épanouissement face à sa finitude. Je fais un constat (et je peux me tromper, évidemment) : je dis que l'intérêt commun est nécessaire à toute société acceptable. Je dis aussi que cet "intérêt commun" est renforcé par la pérennité des objets que fabrique l'homme. Découper un arbre pour fabriquer une porte n'est pas un geste anodin. En prenant conscience de la vie de l'arbre et de la forêt, on a envie que la porte soit durable, qu'elle fasse l'économie d'autres arbres. On en vient à "aimer" cet assemblage (la part humaine) et les pièces de bois qui constituent la porte (la nature transformée). De manière indirecte, être équitable avec nos semblable, nécessite d'être équitable avec la nature que nous transformons (dans d'autres cultures et dans les anciennes civilisations on allait jusqu'à vouer un culte à cette nature). Plus simplement, on peut appeler ça "écologie". L'écologie n'est rien d'autre qu'une conception plus noble de l'économie : une conception de l'économie sur le long terme.
    Le "bien commun" que vous évoquez pendant la période productiviste s'est avéré en effet paradoxale et sinistre (votre résumé est exemplaire). Pour ma part, j'avance que faire société nécessite d'"économiser" sur le long terme le lieu où s'encre la société. Ce "lieu" c'est la nature comme "intérêt commun". N'est-ce pas secourable ?

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  3. Ne confondons pas "bien commun" et "intérêt commun".

    Un "bien" s’interprète comme une ressource présente naturellement face à laquelle l’humanité doit se mettre en concurrence pour la posséder ou la partager (car elle parait, de facto, limitée) ; alors qu’un "intérêt" est immatériel, il ne préexiste pas mais s’invente dans une participation collective… Il est une transformation de la matière par la collectivité – cette collectivité pouvant même s’entendre aujourd’hui comme étant la biosphère. Un domaine également limité mais où nous sommes dedans et non dehors !

    Il y a une autre différence entre bien et intérêt : le bien s’admet comme un objet hérité auquel nous sommes individuellement soumis alors que l’intérêt est une mise en intelligence, collective et volontaire, tournée vers les autres, vers le passé et surtout vers le futur !

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  4. Juste. Par ailleurs j'ai entendu un agronome à la radio qui parlait de productivité à rechercher non pas en économisant le temps de travail mais en économisant l'azote de l'air: en donnant l'exemple des légumineuses qui ont un rendement extrêmement élevé de ce point de vue: se servir de l'air même comme d'un engrais parait être le plus malin.
    Ses mots "productivité" et "agriculture intensive", m'ont tout de suite fait dresser les cheveux sur la tête, alors qu'il essaye de faire évoluer leur sens vers une économie d'intrants chimiques plutôt que de temps de travail...Sans doute pour conserver un vocabulaire qui s'est mué en dogme dans son milieu et s'en servir pour faire avancer d'autre choix.

    c'est toujours un dilemme : utiliser les même mots en faisant évoluer leur sens, ou trouver un autre mot: la première manière est sans doute la plus souhaitable: elle est nécessairement collective pour être efficace. La seconde risque de voir chaque individu inventer son langage, sa philosophie, son art, son architecture, en restant incompréhensible du reste de la collectivité.
    Faire évoluer "bien commun" vers "intérêt commun" me semble assez mesuré.
    Même si le mot "intérêt" sonne plus comme une pièce de monnaie, que comme une fête.


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