Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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27 oct. 2012

sens commun

dessin R.H.

Brice Couturier, défenseur des lumières, comme il aime à se présenter sur France-Culture tous les matins, disait récemment que notre devoir est de chercher le commun parce que la diversité nous l’avons déjà… Il me semble que nous sommes en train de perdre la diversité sans gagner le commun. La morale universelle des droits de l’homme semble un socle commun raisonnable, mais nous oblige- t-elle à une forme commune ? Désirer porter le voile me parait du même ordre que préférer des murs en pierre de 1m80 de haut le long de son jardin. On peut l’interpréter comme un acte défensif excessif, mais aussi comme un certain confort social. Je ne dis pas qu’il faut mettre des murs partout ou porter le voile, je dis que certains villages magnifiques sont subdivisés en parcelles emmurées sans que ça déchaine les foudres du vingt-heures, alors que le fait de porter le voile semble une atteinte aux droits de la femme en l’occurrence. Je n’ai pas été élevée ni sous un voile ni à l’intérieur de murs, mais j’admets volontiers que l’un et l’autre puissent paraître nécessaires, culturellement et psychologiquement dans certains cas.

Le caractère universel d’une morale devrait se limiter à reconnaître l’autre comme de la même espèce que soi. Si c’est le cas, elle postulera que tuer et voler, c’est mal et qu’il vaut mieux ne pas mentir ni faire souffrir autrui. Au-delà de ça, chaque culture fait son nid, et souvent accepte certaines souffrances, en échange d’actes d’une valeur censée être supérieure. Souvent elle préfère faire souffrir l’individu pour préserver l’ordre social. Notre société occidentale essaie d’inverser cette tendance en privilégiant l’individu au détriment de la collectivité. Dans un cas comme dans l’autre la souffrance arrive toujours à un moment du parcours. Vouloir éradiquer la souffrance, c’est supprimer la condition humaine. Les cultures anciennes s’évertuent à donner un sens à cette souffrance. La culture internationale postule que la souffrance n’a aucun sens, et la rend extrêmement angoissante. Plutôt que de surmonter la souffrance (qu’elle soit physique ou morale) par le sens, on cherche à la surmonter par la technologie, voire l’"humain augmenté". Le sens est quelque chose que chacun peut s’approprier, la technologie s’achète.

C’est dans ce schéma que se retrouve l’architecture, condamnée à subvenir au confort physique de l’individu, plutôt qu’à construire des sens communs, localement, où chacun puisse trouver sa place. La forme universelle me semble un système totalitaire , par définition sans issue, puisque sans autre possibilité. La relocalisation de la forme est une nécessité aussi bien écologique qu’esthétique, voire démocratique.

=> sujet [communaux] / message précédent : intérêt commun

2 commentaires:

  1. C'est tout à fait clair. Je suis d'accord à cent pour cent.

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  2. Je vais devoir me faire l’avocat du diable pour le bien commun… D’accord pour l’individualisme et le confort : la sphère technique multiplie les couches protectrices et enferme l’individu sur lui-même (dans l’illusion d’une collectivité et d’une immortalité). Par contre, il me semble plus difficile de distinguer universel et relatif : interdire de tuer, torturer, piller, mentir est sujet à diverses interprétations ; idem pour la relation collectif-individuel, avec les politiques comme médiateurs… S’il faut une règle, elle serait pour moi assez simple : offrir les conditions de confiance permettant à l’autre de se (re)lier à soi, et réciproquement. A ce titre, la protection technique, le mur en pierre, le voile sur un visage, vont tous trois dans le "mauvais sens". Mais il est vrai qu’il est idiot de faire un scandale du voile sans se poser la moindre question sur nos bons vieux murs !

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