Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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21 juin 2012

perspective facile

Comment le mode de représentation influe sur le projet d’architecture ? Comment met-il en valeur certaines dispositions spatiales et efface au contraire certaines particularités. Aujourd’hui où personne ne construit plus une perspective, on ne projette plus de places baroques, charpentées de géométries régulières, ni de perspectives Haussmanniennes. L’ordinateur peut représenter n’importe quelle disposition y compris aléatoire et irrégulière, et pour tirer profit de cette nouvelle possibilité technique, on construit des projets délibérément irréguliers et apparemment aléatoires (puisque notre esprit de promeneur ne peut s’en représenter la logique).

En externalisant la représentation, d’une certaine manière, on externalise le projet. Ce n’est pas une conception née de notre cerveau qui se réalise, c’est un possible, exploré par ordinateur (puisque notre pensée ne peut s’en faire l’image) qui est choisi parmi des milliers de possibles représentables en un clic.

Quelle est l’étape suivante puisque, si on suit Hegel, il devrait y avoir une sorte de dépassement de la dernière étape par dialectique en se servant des étapes précédentes ? Comment se servir de l’outil informatique non pas comme explorateur de solutions aléatoires, mais plutôt comme outil de modelage du complexe et multiple existant ?

4 commentaires:

  1. L’empreinte de l’ordinateur est en effet visible dans de nombreuses œuvres contemporaines, surtout dans les formes en voile : on reconnait parfaitement la résille du modèle informatique chez Zaha Hadid ou Frank Gehry mais l’ordinateur est-il le véritable coupable ? Ce média est-il faiseur de formes ? Bien qu’issue de calculs complexes, l’architecture en voile de béton se développe surtout à partir de la seconde moitié des années 1950 - que l’on songe à Costa et Niemeyer, ou à Guillaume Gillet en France - et il n’existe pas encore d’assistance informatique.

    La recherche de la forme abstraite nécessite des calculs de plus en plus complexes que l’ordinateur facilite depuis trente ans, bien avant la visualisation 3D. Plus qu’une conséquence des calculateurs, ne faut-il pas chercher du côté d’une certaine « banalisation » de l’abstraction lyrique et de la performance technique ? Ceci étant bien entendu facilité par l’informatique qui fait de n’importe-qui un être capable de tout réinventer, les fesses plantées devant son Mac ou son PC…

    PG

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  2. Est-ce que la représentation du projet fait le projet ? Doit-on s'inquiéter de l'arrivée d'une pratique de l'architecture qui déserte le chantier, la réalité constructive, en se réfugiant derrière un ordinateur où seul, on maitrise la totalité de son oeuvre ? C'est un outil extraordinaire, il ne faut pas l'oublier, mais parfois je me demande, la main et son stylo ont-ils plus d'humilité que photoshop et ses ciels rayonnants ? Est-ce que l'architecte sombre dans sa paranoïa ? Je ne suis qu'étudiant, je vois l'ordinateur d'un bon oeil, les possibilités et les facilités qu'il offre sont fascinantes. Nous sommes face à une architecture qui cherche à se désinhibé, se décomplexé, trouver ses limites. Nous sommes une génération virtuelle. Mais l'ordinateur reste un outil. On ne peut le blâmer. C'est une évolution qui nous demandera peut-être de reconsidérer nos définitions de l'architecte, de l'architecture, de la ville... La seul chose dont je m'inquièterai, c'est le moment où la distance à la réalité sera tel que l'on préfèrera l'architecture sur l'ordinateur que dans la réalité. Et cela arrivera, notre formation la fuit déjà cette réalité trop incertaine, trop contraignante. Sommes-nous là pour projeter ou pour construire ? Les 2 je l'espère.

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    1. Je suis d’accord. L’outil de représentation du projet n’est pas pleinement responsable du projet. Il semble même y avoir une anticipation. Dire, comme le soutiennent les médiologues, que l’édition imprimée de la bible a changé la religion est partiellement faux : comme dans toutes les religions, la volonté de diffuser est déjà dans le christianisme, bien avant l’impression mécanique, et elle avait depuis longtemps une dimension quasi-industrielle avec les moines copistes. C’est la boule-de-neige : on imagine les média pour diffuser le message, puis les média amplifient le message, et l’on finit par oublier le message pour ne regarder que nos média-outil. Il n’y a pas de hiérarchie, juste des liens de parenté.

      On l’observe également en architecture où les catalogues d’éléments préfabriqués anticipent leur production mécanisée, puis cette mécanisation dépasse son projet et l’on finit au XXe siècle par réinventer l’éclectisme et l’ornement en imitant la forme des machines… Ce que l’on continue encore de faire aujourd’hui avec un ordinateur : quant à l’effet de l’ordinateur, on ne le connait pas encore !

      J’y reviendrai… Je crois finalement assez facile de l’imaginer : des gens comme Illitch l’ont fait il y a déjà bien longtemps

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  3. Parfait,
    > C'est juste : les techniques sont d'abord rêvées avant d'être mises au point, et bien sûr c'est le projet esthétique de faciliter l'exploit (dimensions, portées, nombre, complexité géométrique) qui crée l'invention d'une technique informatique qui répond à cette demande. Mais ensuite, c'est la technique industrialisée qui fait boule de neige et qui transforme une avant-garde minoritaire en mouvement de masse universelle ...
    > Bref comment retrouver la richesse et le sens des particularités locales , comment cesser de réaliser des formes abstraites, alors que nous avons besoin de retrouver trace d'une matière à notre échelle (culturelle et dimensionnelle).
    > Pourquoi les formes architecturales contemporaines ne supportent-elles pas une paires de bottes en caoutchouc laissée devant la porte, alors qu'elles paraissent naturelles devant une maison vernaculaire? Parce que les formes architecturales sont pensées comme des volumes, et nom comme des constructions faites par des artisans qui doivent aussi y trouver leur compte (pas seulement leur salaire, mais aussi le sens de leur vie, la trace de leurs mains). Le travail visible de l'artisan est une image de notre condition humaine, c'est un miroir qui est tendu à chacun; où chacun peut reconnaître ses propres bottes en caoutchouc.
    > Aujourd'hui on veut effacer cette trace . C'est comme si le chemin qui conduit de la maquette à l’échelle humaine n'avait pas été fait. Comme si l'ébauche était restée à son état d'idée. Les idées sont toutes bonnes, mais la réalisation, c'est la seule chose qui est donnée à voir au passant. Une maison traditionnelle fait oublier le volume de sa conception par la matérialité de sa peau qui n'est qu'une trace assumée du travail artisanal.
    > De mon point de vue c'est le travail artisanal (pensée manuelle) qui doit être restauré dans sa légitimité (salaire, statut social, éducation...). La pensée industrielle (séparation entre conception et réalisation) est sœur de la pensée universitaire qui régit l'éducation nationale et cherche toujours, depuis l'enfance, à séparer notre corps et notre esprit, ou encore à voir le corps comme une chose à entretenir par le sport. Alors que le corps est aussi un outil de création, en faisant , on voit les choses différemment. Quels sont les liens entre création et pensée?

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