Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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23 juil. 2012

trois fées

J’aime à penser que, depuis des dizaines de milliers d’années, depuis l’apparition du langage, des arts et des pratiques religieuses, trois fées se penchent sur le berceau de chaque petit homme qui vient au monde et lui offrent chacune un présent.

La première lui donne la capacité d’associer les causes et leurs effets. Grâce à ce don, il deviendra un homo sapiens malicieux capable de se servir d’une lame de silex ou d’un ordinateur et d’imaginer des stratégies complexes et efficaces. La seconde lui insuffle un désir de transcendance au-delà de sa fragile condition. Ce don le conduira, au fil des ans, à s’intéresser aux paroles du chaman, du prêtre ou du philosophe et à se dévouer parfois à une cause commune et même à s’y sacrifier. La troisième enfin, le gratifie d’une sensibilité particulière à l’harmonie et à la disharmonie et d’une attirance pour la danse, les parures, la musique, les représentations figurées et pour tout ce qui suscitera en lui le sentiment de la beauté. Ces trois fées ont longtemps vécu en bonne intelligence et les sociétés leurs ont rendu également hommage. Ce n’est plus le cas de nos jours.

Du fait des progrès de la technique, le sens de la causalité, dont nous a doté la première de nos fées tutélaires, est largement privilégié. C’est lui que l’on cherche à inculquer en priorité dans les écoles. Et c’est à lui que l’on se réfère pour l’essentiel dans la plupart de nos actions quotidiennes. Les rites et cérémonies religieuses occupent de moins en moins de place dans notre vie sociale. Et il est entendu que la croyance en une transcendance, quelle qu’elle soit, doit rester cantonnée dans le domaine privé.

Quant à la beauté, si l’on excepte les instituts et magasines spécialisés qui en font commerce, elle est également ramenée a peu de chose. Nos « machines à habiter », pour reprendre le vocable de Le Corbusier, sont des objets fonctionnels désignés à minima grâce à quelques vieilles recettes hérités de l’abstraction géométrique. Nos paysages, surtout en périphérie des villes, sont ravagés par de multiples réseaux techniques, assortis de zones urbanisées à la va-vite. Et les artistes contemporains, sont si fâchés avec l’idée de beauté qu’ils se croient obligés de lui mettre des guillemets disgracieux à chaque fois qu’ils en parlent.

L’expansion de la pensée technique, au cours de ces dernières décennies, s’est faite en se débarrassant de tout ce qui pouvait la ralentir. Pour mettre au point un moteur d’avion, commercialiser un gadget ou rouler sur une autoroute, pourquoi s’embarrasser de questions métaphysiques ou de préoccupations esthétiques ? Mais est-ce que l’homme peut être pleinement homme dans un univers mondialisé, peuplé d’objets et d’aménagements techniques sans beauté ni espérance ? Peut il rester fidèle à lui même s’il rejette une partie essentielle des aptitudes dont il a été pourvu lors de sa venue au monde ?

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