Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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29 juil. 2012

régionaliste

Avignon, Y.B.


Souhaitons que les architectures s’ancrent dans un territoire. Les aires géographiques y correspondant sont un peu floues, mais repérables dans les constructions vernaculaires. Ce sont les traces d’anciennes différences culturelles et de leurs parentés. Si on s’installe quelque part, à mon sens, on a le devoir d’architecte de s’intéresser à ces traces d’admirations passées, par lesquelles l'Humain a construit un paysage particulier, suivant ses moyens matériels et ses attachements (économiques, fiscaux, militaires mais aussi gastronomiques, agricoles, familiaux, culturels, esthétiques ...). Evidemment ces attachements se sont modifiés, et surtout ceux liés à l’argent (comment on le gagne et comment on le dépense). Mais il reste une inertie, le monde mobile présenté comme un modèle désirable dans les médias, n’est plus aussi séduisant qu’après-guerre. Aujourd’hui dans chaque commune rurale une grande part de la population habite dans le même canton que ses parents. Alors que dans les villes nous sommes totalement soumis au discours dominant, les régions rurales restent indécises, à l’exode des années 1960 succède une ré-attachement local.

Les architectes commencent à comprendre que le "déracinement" encore revendiqué dans les couronnes des villes, puisqu’il est le reflet des populations elles-mêmes, n’a pas vraiment de sens à la campagne. Les zones rurales devenues touristiques, cherchent à retrouver une part de leur caractère. Evidemment les moyens utilisés ne sont pas aussi efficaces que prévu. Les règlements d’urbanisme bizarres, les appels d’offre où les matériaux d’apparence locale sont favorisés, les expositions sur les traditions agricoles, gastronomiques, ou même constructives n’empêchent pas la défiguration des paysages : les nappes de pavillons de constructeurs s’étendent, suivant scrupuleusement les règles d’urbanisme… Les zones dites artisanales et commerciales continuent leur déploiement de tôles colorées et de surfaces goudronnées. Les bâtiments publics soit suivent l’esthétique bon marché de la villa « ça m’suffit », soit copient les vedettes de l’architecture mais avec de petits budgets… Le travail de réappropriation d’une culture que l’architecte doit transmettre se retrouve encore absent de la plupart de ces nouvelles constructions. L’adjectif « régionaliste » a été accolé à des architectes tellement différents que l'on sait pas s’il veut encore dire quelque chose. Il a servi aussi pour l’écrivain Jean Giono : dans ce cas, prenons-le volontiers à notre compte.

1 commentaire:

  1. Le régionalisme me semble être un mot recuit. Deux siècles en ont fait un « style » que l’on a pratiqué un peu partout. Depuis les premiers exotismes (internationaux ou régionaux) jusqu’au chalet américano-suisse que l’on construit encore aujourd’hui dans un esprit écolo-globalisé.

    Le drame consiste à cataloguer (de Commissions en CAUE) puis à vouloir imiter, chosifier, produire en série, comme dans les villas de la Baule où tous les styles de toutes les régions se croisent : basque, provençal, paquebot, normand, savoyard, breton… manque juste celui de la région…

    Sans compter le bouquet final sous le gouvernement de Vichy qui a cadré des « normes régionales » que l’on trouve aujourd’hui déclinées dans les « Plans locaux d’urbanisme ». Ce n’est pas du régionalisme, ni du paysagisme, c’est du camouflage. Une saveur de parodies javellisées, l’architecture « PLU » dans la ville ayant le même goût qu’un produit « AOC » dans la superette.

    C’est pourquoi nous devrions utiliser « vernaculaires », au pluriel, qui implique un « relativisme local » : des matières locales, de la main d’œuvre locale, des savoir-faire locaux. Toutes les solutions empiriques qui n’impliquent pas un « style », cette expression ancestrale de la « norme ».

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