Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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23 août 2012

état et système

Dans plusieurs des articles de ce site, on lit une opposition sous-jacente au « capitalisme ». Nous devons préciser cette critique car notre point de vue esthétique ‑ bien qu’il soit absent des discours politiques ‑ a quelque chose à apporter au débat. L’architecture est dépendante du modèle économique qui lui est contemporain : on ne peut pas en faire abstraction. A la fois capitaliste et redistributeur, le système actuel est très contraignant et soumis à la double contrainte du « rendement » et de la « protection sociale ». Comment penser une nouvelle utopie sans mettre à bas ces deux absolus qui se justifient l’un par l’autre ?

Pourquoi indexer la protection sociale sur le temps de travail ? On imagine que les temps de travail par le passé étaient énormes. C’est vrai au XIXe siècle avec les débuts de l’industrie, mais avant ? Chacun habitant près de son travail, le trajet était évité. Aujourd’hui, qui va payer ce transport ? Le travailleur, par sa fatigue et son argent. En admettant deux heures de trajet par jour pour aller et revenir de son lieu de travail, cela fait dix heures par semaine de transport : plus d’une journée supplémentaire… En définitive l’Etat soutient ainsi l’industrie automobile, pétrolière, autoroutière, ferroviaire, etc… parce qu’il est plus aisé de continuer que de réfléchir à un monde où l'on circulerait moins, où le travail ne serait pas perçu comme une marchandise quantifiable mais comme une valeur culturelle que chacun se doit d’apporter à la collectivité.

L’habitat vernaculaire que l’on peut redécouvrir dans les régions rurales ou dans les bidonvilles, est indépendant du système économique contrôlé par l’Etat : l’un est en marge de l’industrie et réalisée par des artisans sans protection sociale suivant un modèle hérité ; l’autre vit des déchets industriels, les recyclent, les agglomèrent, utilisant la tôle ou les bâches plastiques comme certaines cultures se servent de tissages d’osiers ou de roseaux. Si elle ne touche pas au monde agricole, l’industrie peut finalement se dissoudre dans les cultures locales. Ce serait donc l’Etat, par ses règlements d’urbanisme arbitraires, sa protection sociale fondée sur le temps de travail, ses règlement d’hygiène et de sécurité, ses législations sur les appels d’offre, ses choix d’aménagement du territoire, qui oriente la création plus sûrement que l’industrie…

Nous allons très loin dans le raisonnement en admettant que le système capitaliste pèse ainsi sur les choix des Etats et n’est donc pas réductible à l’industrialisation. Détestable par bien des aspects, l’état-système est de plus en plus financiarisé, il lisse la culture des peuples et tente de s’approprier le vivant… Si l’on suit ses règles (charges sociales et règlements d’urbanismes principalement), on ne peut pas réaliser d’architecture vernaculaire…

6 commentaires:

  1. Oui, dans "Energie et Equité" en 1975, Illich utilise l’équation de "vitesse généralisée" et démontre que la durée de transport-travail nécessaire pour s’offrir une voiture fait que l’on pourrait se contenter de marcher avec nos pieds ou en vélo ! D’où notre Illichville. L’Etat le sait très bien.

    Par contre, concernant la « protection sociale », je ne veux pas que l’on sombre dans la politique mais il me semble que c’est un mythe… L’argent passe par là mais atterrit ailleurs, distribué pour revenir le plus vite possible ! A titre personnel, je crois l’Etat (comme l'individu) n’est plus que le serviteur d’une abstraction nommée « intérêt ».

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    1. Enfin quelqu'un qui partage mon point de vue sur la protection sociale,je ne suis pas allée au bout du raisonnement, crucifiée par un puissant tabou contemporain, je creuserai la question une autre fois!

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  2. J’ai oublié le principal. Merci pour cette clef : « un monde où l'on circulerait moins, où le travail ne serait pas perçu comme une marchandise quantifiable mais comme une valeur culturelle que chacun se doit d’apporter à la collectivité ». C’est certainement l’un des nœuds qu’il faut dénouer, le travail n’est pas une marchandise quantifiable et transportable mais une valeur culturelle. Voilà un regard qui peut nous interroger sur notre position individuelle et sur notre époque.

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  3. Le capitalisme est là pour longtemps. L'industrie aussi. Par contre notre administration publique elle, peut évoluer et il ne faut pas l'appeler "état-système". Les élus et les fonctionnaires qui la composent ne sont pas de mauvais bougres. Il faut leur expliquer pourquoi certaines règlementations sont contre performantes. Pourquoi il faut revoir les mécanismes du permis de construire, les règles en matière d'urbanisme. Expliquer comment retrouver une dimension esthétique dans les choix d'aménagement.
    Ce ne sont pas des sujets très médiatiques, mais il faut insister, insister... Nous sommes encore en démocratie et il faut en profiter.

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    1. Beaucoup semblent participer sans être responsable, dans le corps politique ou la société civile. Cependant, je ne crois plus au "capitalisme" et à "l’industrie" tels que nous les connaissions car les questions morales de l’écologie et du lien social font désormais les « gros titres ». Ce n’est plus un trip limité à quelques babos.

      On le voit partout. Le dégoût de la consommation de masse s’amplifie et, désormais, le 4x4 et l'hyper-technologie signent le beauf – qui n’est plus un pauvre inculte mais un riche immoral : banlieusard dans le trafic, magouilleur des finances ou de la politique ou du marketing. Reste les aveugles volontaires et les égoïstes juvéniles…

      Mais la "conscience collective" ayant complètement changé, nous pouvons déjà considérer que ceux qui entretiennent ce "système" l’ont bien conscientisé, qu’il s’agisse d’états ou d’individus. Ils savent ce qu'ils font et, s'ils veulent changer, ils en ont déjà l'idée. Sinon, nous ne pourrons pas les convaincre.

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    2. D'accord avec A.S. pour insister et je le fais auprès des élus que je rencontre. Mais je remarque qu'ils ne perçoivent pas l'importance de la chose, et même ne se sentent pas responsables ni même en capacité de modifier ces règlements.(le conseil ne voudra pas, ma belle sœur s'y opposera parce qu'elle veut faire construire à tel endroit, le PPRI nous l'interdira...) D'autre part, ils ont d'autres chats à fouetter pour, pensent-ils, se faire réélire: faire financer la restructuration de leur centre-village, qui n'en a aucun besoin, ou agrandir l'école, alors que dans 10 ans les enfants aurons grandi, et aucun logement à louer n'aura été construit pour faire vivre l'école dans ses capacités actuelles...Et je parle d'une petite commune, coachée par une communauté de communes, elle-même dans le cadre d'un conseil général, etc...Je suis d'accord état-système n'est pas le bon mot et d'ailleurs c'est P.G. qui l'a choisi. Mais comment appeler ce système technocrate?
      Nous sommes en démocratie mais nous avons complexifié le monde jusqu'au point ou personne ne peut vraiment le comprendre en totalité, et dans ce cas, comment prendre les bonnes décisions?
      Il y a un amour immodéré pour la complexité qui est en train de couler la démocratie.

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