Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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24 août 2012

pureté esthétique

Revenons à Campo Baeza (cf. v.m.lampugnani), ce parfait exemple de l’académisme actuel assez puritain (blancheur, géométrie parfaite, lavé de tout ornement, et de toute échelle humaine, et tourné sur lui-même) mais très photogénique. Il n’est qu’une preuve supplémentaire que les classes dirigeantes ont besoin d’académismes à suivre. Et c’est le succès de Baeza qui est agaçant plus que son œuvre. Je n’ai, il est vrai, jamais visité ses architectures, mais en revanche j’ai vu une maison de Loos, et j’ai pu constater que chaque pièce y était un bijou de savoir-faire artisanal (marqueteries de marbres, menuiseries savantes, plâtres délicats, fauteuils veloutés). Une continuation du luxe traditionnel par des moyens géométriques plus délibérément lisses. Par les dessins que j’avais vus auparavant, je n’avais pas du tout ressenti cette continuité dans la qualité. Le problème est le succès de Loos, car si on s’inspire de son esthétique avec dix fois moins d’argent, on est poussé à la simplification, et à la perte des savoir-faire.

Esthétique géométrique et industrialisation vont effectivement assez bien ensemble, sans que ce soit une fatalité. On peut tout aussi bien faire de l’ornement industrialisé (exemples en fonte ou terre cuite émaillée au XIXe), ou de la forme géométrique artisanale (Loos). Manifestement l’architecture classique a été plus fertile pour les constructions banales…Mais dans un système économique différent, où le travail était bon marché.

Le nouveau système économique, semble lié à une architecture aussi industrialisée que possible mais qui a perdu aussi bien la pureté géométrique que l’héritage classique. Restent des machines à habiter lumineuses, ronronnantes de VMC, emballées de polystyrène (mortel en cas d’incendie), aux cuisines tiroirisées (imbibées de formaldéhydes), aux cloisons sonores en carton-plâtre, aux menuiseries oscillo-battantes en PVC, aux douches « italiennes », bref dans la droite ligne de la maison du beau-frère de Mon oncle… Rassurons-nous, ce n’est qu’une part riche de la population mondiale qui se ridiculise dans cette grotesque orgie énergétique. Comme dans le film de Tati, il y a toujours des oncles qui persistent à habiter au sommet d’immeubles malpropres et alambiqués et à acheter leur poireau au marché de la place.

2 commentaires:

  1. Ce que nous pouvons reprocher aux modernes (relativement aux contemporains), c’est d'avoir amalgamé détail et style, métier et production. La pureté est un point de rencontre où la réduction des détails fait style, où la rigueur du métier s'assimile à une production. Il est vrai que l'intérêt de ces premiers modernes n'est pas dans le style pur, "mécaniste", mais dans la fine impureté d’une perfection artisanale. C’est pourquoi les contemporains qui en imitent le style avec une production industrielle normée n’ont pas le moindre intérêt. Ils puent la démonstration et ne sentent absolument pas le plaisir, la convivialité, le bonheur.

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  2. Corbu a été particulièrement emballé par l'industrialisation, et c'est le reproche principal que je peux lui faire (La lecture de "Vers une architecture" au début de mes études m'avait terrorisée, ses envolées progressistes et grandiloquentes me paraissaient totalement à coté de la plaque). Un ami maçon a visité cet été la villa Savoye. il est revenu vraiment ébahi de la malfaçon de tous les détails, comme si personne n'avait suivi le chantier, et comme si les maçons avaient fait le carrelage, et les carreleurs posés les menuiseries. Comme si Le Corbusier, était resté les yeux fermés dans l'abstraction et les désirs de pureté, sans jamais avoir touché du doigt la réalité.

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