Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

.

.


1 mai 2012

réponse X

Nous vous écrivons pour vous féliciter, juste après la lecture de votre article dans le dernier numéro d’Esprit. Nous attendions avec impatience un tel regard ; enfin quelqu’un s’exprime sans complexe sur l’histoire de l’architecture moderniste et liste les dégâts après le passage de l’abstraction : comment peut-on envisager que l’architecture soit encore imaginée comme un objet sans lien, hors des territoires, des usagers et des valeurs d’usage ? Comment peut-on voir le style international autrement qu’en produit de consommation, avec gaspillage évident de matières, d’énergie, de transport ? Singulièrement, il n’y a que la main d’œuvre qui soit rationnalisée alors qu’elle est le seul gage de la qualité, unique élément où il faudrait imposer l’abondance et réinventer le plaisir d’un travail bien fait, reconnaissable et durable.
...


Nous avons envie d’en écrire davantage, bien que nous soyons à l’évidence d’accord dans l’ensemble, mais comment s'introduire dans l’imaginaire collectif ? Certes, pour nous aider, nous avons la notion pédagogique récente du « modernisme radical » et les morales écologique, paysagère, sociale, qui déstabilisent lentement les doctrines mécanisantes et nihilistes issues des temps modernes. Si l’on veut révéler d’autres temps et temporalités, le travail reste colossal.

Pour un tel changement dans les paradigmes, il ne s’agit pas seulement de modifier la création mais aussi d’offrir un récit historique transgressif, notamment dans l’architecture, le design, les arts, et dans la majorité des artefacts produits pendant deux générations… Sans compter sur la puissance d’un establishment – particulièrement en France où les grandes stars du mouvement moderne s’assimilent à des dieux, la moindre petite parole faisant Écriture… Sans compter, non plus, sur l’intérêt financier à « renouveler » sans changement – en gambergeant dans l’absurde ou le néant.

Voici dix ans que nous travaillons au Havre pour valoriser le patrimoine de la Reconstruction. Loin d’être irréprochable, ce travail nous a donné l’occasion de comprendre le moment de la rupture, et nous avons aussi constaté l'intérêt des enseignants, des architectes, des designers, des journalistes et un large public pour une alternative humble, usuelle, qualitative. Nous sommes dans l’air du temps mais pas majoritaire, il faudrait profiter de votre appel pour un acte fondateur… Blog, livre, collectif ? En fait, il manque une revue « écrite » : textes avec quelques croquis sobres en noir et blanc, une dimension modeste susceptible en elle-même d’interroger la démesure (du format, des couleurs, des glaçages et des illustrations) que nous imposent les revues actuelles d’architecture et de design, avec leurs textes vides, prudents ou d'un anticonformisme convenu. Bref, écrire dans la conscience d’enregistrer et non dans l’objectif de vendre.


Encore bravo pour votre article.

Bien cordialement,
Pierre Gencey et Elisabeth Chauvin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire