Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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1 juil. 2012

machine humaniste

dessin A.S.

La machine et l’homme : le sujet semble toujours épuisé. Il faut sans doute réviser ses classiques avant d’en reparler, relire William Morris, Isaac Asimov… ou plonger plus profondément pour détricoter le combat intemporel entre créateur et créature. Ne perdons pas de temps ! La vieille mécanique d’acier et de rouages n’existe plus. Le perfectionnement est si fin que nos machines atteignent déjà une dimension moléculaire. Elles prolongent avec fluidité chaque geste et chaque pensée (qui ne va pas sur internet chercher un mot, une technique, un objet). La machine méphistophélique qui nous dépasse et s’impose avec une lourde rigueur de forme et pensée (simple ou complexe) n’a plus sens.

La machine de demain sera un emballage translucide, aussi économe en énergie qu’en matière. Elle n’imposera rien et ne fera qu'aider à nous accomplir dans une proximité corporelle quotidienne. Elle sera l’intelligence collective à portée de main, celle qui vous accompagne "naturellement". L’architecte sera là, avec tel paysage autour, telles plantes, tels animaux, tels usages, et il pourra imaginer avec une liberté inédite comment travailler : dans la dépense ou l’économie, seul ou à plusieurs. Il sera finalement plus libre que jamais et, bienheureusement, il aura jeté depuis longtemps ses catalogues et revues "techniques" pour redécouvrir avec bonheur la préciosité des liens qu'il faut tisser entre humains !
P.G.
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Les machines vont elles devenir transparentes comme le dit Pierre Gencey dans « Machine humaniste » (voir ci-dessus) ? Pour en avoir le cœur net je suis allé interviewer deux d’entre elles pour la radio où je travaille.

- Pouvez-vous expliquer à nos auditeurs votre mode de fonctionnement, monsieur le moteur à explosions ?

- Je ne voudrais pas les importuner avec des questions trop techniques.

- Mais si, mais si, c’est tout à fait passionnant.

- Et bien voilà, je tourne sur un cycle à quatre temps.

- Vous pouvez préciser ?

- Premier temps : j’absorbe de la vapeur d’essence, c’est délicieux mais un peu écœurant. Deuxième temps : je me comprime, l’angoisse monte, c’est vite insupportable. Il frappe du poing sur la table et fait trembler les micros. Troisième temps : c’est l’étincelle. J’explose . Débordement d’énergie. Tout se met en mouvement. Quatrième temps : je me vide. C’est la déprime, à quoi bon, le temps qui passe, la mort…

Il éclate en sanglots.

Et après…

Après… ça recommence.

- Souvent ?

- Trente six fois par minute.
Pah, pah, pah, pah, pah, pah, pah, pah, pah, pah….

- Quelle vie palpitante ! Je suis sûr que votre témoignage va susciter des vocations parmi nos jeunes auditeurs. Je vous remercie pour eux. Nous allons maintenant passer la parole à un autre des acteurs essentiels de notre monde contemporain.

Bonsoir monsieur l’écran tactile. Vous êtes aujourd’hui un incontournable de notre modernité et à ce titre…

- Incontournable mon cul !

- (géné) Comme nous sommes à la radio, je vais d’abord donner, pour nos auditeurs qui ne vous voient pas, quelques indications sur votre physique. Vous êtes plat, les bords arrondis et votre peau est… comment dire ?

- Noire et lisse.

- Mais dès que l’on vous effleure…

- Vous croyez que cela m’amuse !
Etre tripoté à longueur de journée par de gros doigts dégoutants !

- Mais il y a aussi de longs doigts sensuels aux ongles soigneusement vernis !

- Pfuuuit !

- Quoi pfuuit ?
Certains attouchements doivent vous procurer du plaisir, non ?

- Franchement je m’en bas les couilles !

Propos recueillis par A. S.

4 commentaires:

  1. La machine est un miroir. On s'est imaginé locomotive à vapeur. On se voit aujourd'hui en écran tactile.

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  2. Mais qui fabrique nos écrans tactiles? des travailleurs invisibles à l'autre bout de la planète.... Jusqu'où la dépendance est-elle souhaitable? L'interdépendance est douce quand chacun à la possibilité de se retirer sur d'autres appuis, sinon, c'est une violence me semble-t-il...

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  3. Comme le granit de nos rues, l'écran tactile vient aujourd’hui du bout du monde - dernier souffle du modèle colonial - mais bientôt la main d’œuvre sera coûteuse partout, et le prix déterminé par le transport… Dans cette hypothèse, la production va nous revenir, celle de notre architecture et aussi celle de nos écrans ! Ce sera à nous, à chacun, de choisir, de fabriquer (ou pas) son écran tactile.

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  4. Oui, d'un système indéfendable moralement nait souvent des productions artistiques délicieuses, pas de gospel, de blues, sans esclavage, pas de pont du Gard non-plus... Mais aussi: pas de gratte-ciel à Dubaï sans esclaves chinois.
    Mais s'il y a relocalisation de l'économie: quelqu'un peut-il souhaiter à ses enfants de travailler dans une chaîne de production de téléphones portables? La démocratie est-elle compatible avec ce mode de production industriel?
    Moi, je fais le pari que l'un des deux devra pousser l'autre dehors!

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